Au fil de l'eau, au gré du vent  …

La navigation de la loose

Mercredi 23 novembre

Arrecife- Lanzarote (Canaries / Espagne) / en mer

Après avoir légèrement prolongé notre séjour à Arrécife à cause de la météo, nous décidons ce matin de prendre la mer pour rallier le port de Las Palmas situé à 110 miles de celui d’Arrecife. Nous avons prévu une navigation de 24 heures environ.

Nous partons ainsi vers 9h30 reposés, de bonne humeur et confiants, salués par un magnifique arc en ciel. Pour le moment, il fait beau et le vent est calme. La sortie du port se fait sans accroc.

        22-11-arc-en-ciel

Sachant que la navigation qui nous attend sera probablement un peu sportive, nous préférons prendre tout de suite 1 ris dans la grand voile (prendre des ris : réduire la surface de la voile). Nous avons installé hier l’inter à poste (l’inter est une petite voile d’avant permettant d’avancer par gros vent). Nous avons bien fait ! Dès notre départ, le vent souffle à plus de 15 nœuds au près et certaines rafales montent à plus de 25 nœuds et nous rappellent les pénibles bourrasques de Méditerranée. Le ciel bleu qui nous accompagne commence à être parsemé de plusieurs gros nuages noirs qui nous paraissent menaçants. Mathieu a l’œil pour repérer les grains. Nous prenons donc 3 ris dans la grand voile afin d’anticiper les éventuels coups de vent futurs. Grand bien nous en prend. Sur les trois premières heures de navigation, nous essuyons régulièrement des grains durant lesquels le vent s’affole. La loose ! On avait envie d’une petite nav tranquille! Nous passons entre les deux îles de Lanzarote et de Fuerteventura avec peine. On nous avait prévenu : le vent est souvent plus fort entre les îles.

Dès le couloir passé, les grains stoppent mais nous trouvons la houle. La re-loose ! Pas de répit pour nous, nous décidons de longer la côte de Fuerteventura pour se protéger au maximum des vagues. Malgré tout, le tangage fait des victimes. Depuis plusieurs heures, je ne me sens pas très bien et mon mal de mer s’accentue avec les mouvements incessants du bateau. Je décide d’aller m’allonger un moment. Pendant ce temps, les enfants et Simon sont eux-aussi touchés. Tour à tour, ils vomissent, recrachant ainsi les délicieuses spaghettis bolognaises avalées le midi. Snif ! Séance nettoyage nécessaire pour les marins. La sur-loose !

Le soleil commence à se coucher et tout l’équipage est en difficulté. Les deux hommes paraissent tout de même les plus vaillants et c’est notre Mathieu national qui décide de prendre en main le repas du soir : soupe. Finalement, seuls lui et Simon en mangent. Tous les autres décident de jeûner au regard du désordre qui règne dans leur estomac. Adam, Nino et Samuel tentent tant bien que mal de tenir pendant le premier quart mais ne tardent finalement pas à aller se coucher (Samuel s’endort une nouvelle fois dans le cockpit) encore un peu barbouillés : Nino dans la chambre de Tonton, Samuel et Adam s’allongent dans le carré. Personne ne dort à l’avant car les vagues tapent fort contre la coque provocant des bruits inquiétants pour les enfants.

A 22h, en un peu meilleure forme, je prends mon quart. Je constate que le regard de Simon n’est pas très frais et que Mathieu dort en boule sur le pouf au milieu du cockpit. La météo difficile les a poussés à être plus vigilants et donc à rester à deux dehors. Tandis que Mathieu part se coucher, Simon décide de s’allonger dans le cockpit sous une couverture à côté de moi. Je n’ai pas le courage de lire ce soir. Je passe donc les deux heures de mon quart les yeux écarquillés et les oreilles à l’affût à regarder les voiles et les instruments de navigation à guetter le moindre bruit inhabituel. Je m’occupe également à respirer le plus fort possible afin de calmer mon estomac qui ne demande qu’à se vider sans y parvenir. A minuit, je suis bien contente de passer la main et d’aller à nouveau me glisser sous ma couette. En allant réveiller Mathieu, je le trouve couché sur le coussin d’une banquette sur le sol au pied de la table du carré. J’adore ! Mon beau-frère est le dormeur de tous les possibles. N’ayant pas de toile anti roulis (permettant de retenir un dormeur sur une banquette lors d’un tangage), il lui a semblé plus intelligent de dormir à même le sol sans crainte de la chute. Bonne idée évidemment mais probablement fort inconfortable. Il prend tout de même son quart sans broncher et je retourne me coucher. Malheureusement, quelques minutes seulement après, Nino m’appelle : il vient de vomir dans la chambre de Tonton. La loose de la loose ! Rebelote. Séance nettoyage avec bouchage de nez avant de retourner au dodo.

23-11-fuerteventura

Jeudi 24 novembre

En mer / Las Palmas (Grand Canarie)

A 4h, c’est mon nouveau quart. Les cernes de Simon se creusent peu à peu. Je vois bien que mon cher et tendre époux commence à être épuisé. La mer et le vent sont un peu plus cléments et nous donnent un peu de répit. Simon s’endort d’un sommeil lourd toujours dehors. Je me lance dans mon bouquin pour que le temps passe plus vite. Il est 6h. Aujourd’hui est un autre jour, espérons-le meilleur qu’hier. Je ne suis pas fatiguée et me dis que je vais pousser un peu mon quart pour laisser Mathieu dormir encore un peu. Raté, nos corps se sont peut-être habitués à ces horaires de nuit et Mathieu fait surface dans le cockpit à 6h01. Bon, dommage, il n’aura pas de rab. Je re-re-repars dormir. Au petit matin, chacun de nous six avons les traits tirés et on sent bien que la navigation a été difficile. Samuel ne se sent pas bien et finit pas me vomir dessus. La loose à nouveau ! Triplebelote pour la séance nettoyage !

On est maintenant vraiment pressés d’arriver : d’une part pour se reposer et d’autre part pour trouver une laverie avant que l’odeur de vomi n’envahisse le bateau. A 8h30, nous avons le vent dans le nez et décidons d’avancer au moteur. Et là, horreur et damnation ! La  loose  continue : le moteur démarre mais le levier de commande ne répond plus. Nous ne pouvons pas avancer, seulement reculer. Simon finit par trouver une solution erzatz : nous appuyons tour à tour sur l’enclencheur de vitesse qui se trouve à l’intérieur même du moteur. Et ça, pendant 2 heures. Bruyant et inconfortable mais efficace.

Alléluia, on aperçoit enfin le port de Las Palmas. Nous essayons d’appeler la marina afin de les avertir de notre arrivée. Impossible de les contacter. Encore la loose ! En fait, nous n’utilisons pas le canal de la marina. Nous finissons par trouver le bon et par entendre un rapide « Wait a minute !» puis recommençons à attendre en faisant des ronds dans l’eau devant le port. Nous sommes fatigués et décidons, après une vingtaine de minutes d’attente, d’aller mouiller juste à côté de l’entrée du port. A ce moment-là, comme touchée par notre épuisement, la marina se décide à nous répondre et à nous attribuer une place. Nous parvenons finalement à nous amarrer avec Simon à la barre, Mathieu à la commande de vitesse en plein coeur du moteur et moi aux amarres. La pendille que nous tend le marinello est couverte de coquillages en cours de décomposition. « It’s so disgusting » dira l’un de nos voisins de pontons. La pendille salit complètement les gants de Mathieu et de Simon. Beurk !

Ca y est, nous sommes arrivés. On nous indique que, pour remplir les formalités administratives, il faut nous rendre à la capitainerie. Là-bas, Simon est surpris car, comme dans certains services administratifs français, il lui faut prendre un ticket. Il attend plus d’une heure. Il a le numéro 72, le capitaine est en train de traiter le numéro 57, le taux de traitement des demandes est de deux numéros à l’heure, il est 11h45 et la capitainerie ferme à midi. Simon baisse les bras et rentre au bateau. La capitainerie rouvre à 16h. Nous irons tranquillement cet après-midi. Je fais l’école aux enfants de 14h30 à 16h30 et part  ensuite faire la queue. En arrivant, je vois que le  « client » en cours de traitement est le numéro 84 ! La loose ! N’étant pas présents, quasiment tous les numéros de 60 à 75 ont été passés. Je suis obligée de reprendre un ticket malgré tous mes essais infructueux de corruption de gentils messieurs possédant un numéro proche de l’objectif. J’ai finalement le 91. J’attends près d’une heure et c’est enfin mon tour. Une fois toutes les formalités remplies, il est l’heure d’un repos bien mérité.

Malgré toutes ces galères, j’ai pourtant le sourire aux lèvres en quittant le bureau du capitaine. La port de Las Palmas s’appelle le Puerto de la Luz ! La vie nous joue parfois des tours …

24-11-victoire

6 reflexions sur “La navigation de la loose

  1. Les Momos

    Et ben les copains ! Quelle aventure !
    En lisant on est avec vous, l’odeur nous parvient presque et nos estomacs tanguent aussi ! On sourit et on grimace en même temps…
    Mais ce que je préfère c’est d’imaginer ton sourire aux lèvres à la fin du récit, Charlotte, you’e the winner !!!!
    Ah… la Luz !
    Des bisous du Lot, calme et ensoleillé.

  2. Tonton Guitare

    Coucou le club des 5,
    je pense fort à vous et j’ai hâte de vous retrouver.
    Petites précisions sur cette navigation féroce pour les estomacs.
    Le souvenir de trois mousses dignes et courageux, malades certes,
    mais sans plaintes et sans larmes.
    Bravo les garçons.
    Le souvenir de ces belles et grosses vagues océaniques,
    impressionnantes, puissantes, majestueuses.
    La sensation d’être sur une balançoire, de monter, de descendre,
    de voir le décor glisser en permanence, la côte apparaissant puis disparaissant,
    apparaissant puis disparaissant, sans cesse.
    Le souvenir de se dire « tiens, ça se calme » et que finalement, ça reprenne.
    Un brin fataliste.
    On se sent tout petit, et c’est bon.
    Je vous embrasse
    Tonton

  3. Guelfat

    C’est super tes photos.Elles sont très marrantes.J’aimerai être à ta place.Je pense souvent à toi et à ta famille!!Bisous!!!!!!!!!!

  4. Charlotte poizeaux croquet

    Malgré tous ces moments peu glorieux, le sourire est là et les souvenirs sont merveilleux! La vie est riche et que les autrs navigations soient meilleures pour vous. Et super le nom du port;-) extra!!! Bises, bonne aventure et merci de partager ces instants.

  5. Milie

    bon cette fois c’est décidé, fini les conneries, j’appelle les secours pour le rapatriement sanitaire ! Tenez vous prêts sur le pont dans deux heures, mettez vos gilets jaunes, et ne prenez dans vos sacs que le stric minimum (une bassine et deux motilium).
    bisous