Au fil de l'eau, au gré du vent  …

L’école sur l’eau

Ah ! Grande question que celle de l’école sur le bateau. Je pense que nous avons échangé sur ce sujet avec la totalité des familles avec enfants que nous avons croisées cette année. La toute première réflexion sur ce sujet est CNED ou pas CNED . Ce choix n’est pas aisé. Sont à prendre en considération l’âge des enfants, leur  niveau d’étude, ses  propres compétences en matière d’éducation ainsi que ses propres facilités et  patience à transmettre. Une fois tout cela mis dans la balance, la plupart du temps le choix est assez évident. La majorité des familles que nous avons rencontrées ont choisi le CNED parce que les parents ne se sentaient pas suffisamment solides pour imaginer des cours en solo, parce que les cours du CNED donnent un cadre rassurant, parce qu’ils sont assurés que l’ensemble du programme sera ainsi  abordé par leurs enfants. Au final, les retours que nous avons pu avoir de ces familles sont les suivants :

    • c’est cher (compter environ 700 € par enfant dès le primaire et ça augmente ensuite)
    • l’acheminement des colis jusqu’au bateau est pénible surtout si l’on ne s’y prend pas très à l’avance
    • l’envoi des devoirs pour correction se fait avec difficulté car les accès à internet sont soit rares soit de mauvaise qualité
    • ça prend beaucoup de temps (compter environ 2 à 3 heures par jour en primaire et 4 heures voire plus au collège)

Bref, une belle galère pour la majorité d’entre eux qui ont du parfois réduire leur temps de découverte des pays pour poster le dernier devoir de mathématique de la grande ou la poésie du petit dernier.

Ne soyons pas trop durs avec le CNED car nous avons croisé tout de même des familles pour qui cela ne posait aucun problème (bon, ok  deux familles seulement mais c’est déjà pas mal ).

Nous n’avions pas connaissance de toutes ces difficultés avant notre départ mais nous avons quand même choisi de nous passer du CNED et, visiblement,  grand bien nous en a pris.

Dans la famille Goasguen, c’est Simon l’instituteur. Il paraîtrait donc normal que ce soit lui qui gère la partie de l’apprentissage scolaire avec les enfants. Mais, dans ce cas, qui s’occuperait de réparer le winch cassé, d’entretenir le moteur, de ranger les bidons d’essence, de prévoir les navigations, de changer les raccords électriques ?? Hein, qui?? Pas moi en tout cas !!

J’ai donc revêtu avec beaucoup de fierté ma blouse d’institutrice et je me suis lancée, sous le regard bienveillant de mon référent et supérieur hiérarchique, Simon, devenu directeur d’école avec décharge complète (c’est-à-dire sans classe).

Dans un premier temps, les enfants ont été ravis de cette nouvelle approche de l’école.

Nous travaillons régulièrement et de façon ludique : jeux, dessins, ardoise, devinette, création de chansons… Tout cela au fil des humeurs et au gré de l’inspiration du jour. Tous les prétextes sont bons à l’apprentissage

Exemple  pour Samuel (5 ans) : « Tu vas avec Papa et tes frères acheter des glaces. Papa prend 3 boules de glace, Nino prend 2 boules, Adam prend 2 boules aussi et toi, tu prends 1 seule boule. Combien de boules de glaces allez-vous manger au total ? » La plupart du temps Samuel répond d’abord que ce n’est pas juste qu’il n’ait droit qu’à une seule boule et il est à la limite de pleurer mais il finit quand même par comprendre le principe de la question et à faire l’addition sur ses doigts.

Ou encore pour Adam (8 ans) : « Si tu me fais 3 bisous chaque matin, 3 bisous chaque midi et 3 bisous chaque soir. Combien de fois m’embrasses-tu dans une journée ? » Au-delà de l’apprentissage des tables de multiplication, ce type de question « auto-suggérée » permet de se faire bisouiller pendant toute la journée. Futé non?

Ou encore pour Nino : « Quand tu es allé à la tour du Pise, tu as monté 4 paliers de 7 marches chacun puis 2 paliers de 25 marches et enfin 3 paliers de 12 marches. Combien de marches au total as-tu gravi avant d’atteindre le haut de la tour ? » Le risque ici est que Nino ne fasse pas le calcul car il aura retenu de lui-même le nombre exact de marches de la tour de Pise mais le risque reste tout de même minime.

Nous avons essayé durant les premiers mois de travailler environ 2 heures par jour (de 10h à 12h la plupart du temps), chaque jour de la semaine. Le rythme était bon et les enfants appliqués. Malheureusement, notre traversée de l’Atlantique a mis un frein définitif à l’enthousiasme de mes élèves. 20 jours sans une seule page de cahier leur ont été fatals. J’ai pourtant tenté de palier le manque en leur montrant les vidéos de « C’est pas sorcier » mais cela n’a pas été suffisant. La reprise côté Antilles a été difficile. Impossible d’apprendre à Samuel les chiffres 6, 7, 8 et 9. Je ne parle même pas de la suite. Il ne les reconnaissait jamais. A m’en arracher les cheveux. Je suis même allée jusqu’à lui écrire 1 sur son pied gauche et 0 sur son pied droit en lui demandant quel chiffre cela faisait dès qu’il s’arrêtait de marcher (idée ingénieuse de ma sœurette). Ça a fini par payer mais non sans mal.

Nous avions également acheté des sortes de cahiers de vacances de chez Hachette et Belin où l’ensemble du programme est traité sommairement mais avec efficacité. Les enfants avançaient dans le cahier selon leurs facilités. Je reste à côté d’eux pour les guider dans les consignes (surtout Samuel), les corriger et, en cas de problème particulier, éclaircir certains points de la leçon.

Nous avons un peu ralenti l’allure durant nos 4 mois antillais car il y avait tant à voir et à faire à l’extérieur du bateau que nous avons décidé de privilégier la découverte par l’expérimentation à l’apprentissage théorique. Nous ne regrettons pas ce choix.

Je dois avouer qu’aujourd’hui, tandis que je reprends à fond les enseignements classiques, je suis un peu inquiète car je ne sais pas dans quelle mesure les enfants auront des lacunes à leur entrée dans leur prochaine classe. Mais ce dont je suis sûre c’est qu’ils les combleront facilement. Cette année hors du système traditionnel et ce projet leur ont appris énormément. Ils ont à présent un nouveau vocabulaire et une grande ouverture d’esprit. Nous considérons que cela est l’essentiel. Bon, on verra ce qu’il en est dans quelques temps. Si nous sommes convoqués par le directeur d’école parce que Samuel n’arrive pas à additionner 5+5 à 7 ans, peut-être reviendrons-nous sur nos certitudes.

Les enfants aujourd’hui ne sont plus aussi enthousiastes qu’au début de l’année pour faire l’école. C’est une incertitude chaque jour de savoir dans quel état d’esprit je vais découvrir mes petits élèves: pourrais-je mettre en place tout ce que j’ai prévu sur la séance ou faudra-t-il me battre et élever la voix juste pour démarrer le début de la moitié du quart d’un exercice?

C’est en tout cas une expérience formidable que celle d’enseigner et de transmettre à ses propres enfants. Je le recommande à tous les parents (surtout à ceux qui ont un peu de patience car il en faut, ne le cachons pas !).

Nous sommes aujourd’hui le premier juin et l’année scolaire touche à sa fin, ne dérogeons donc pas à la traditionnelle photo de classe.

Année scolaire : 2016-2017
Ecole : Kusupa
Directeur : Mr Simon Goasguen
Maîtresse : Mme Charlotte Goasguen (avec interventions ponctuelles du directeur en cas de pétages de plomb de la maîtresse)
Elèves :

  • Samuel en Grande Section de Maternelle
  • Adam en CE1
  • Nino en CM2

Merci à eux de nous faire confiance au quotidien pour les accompagner sur le chemin de la vie.

 

Une réflexion au sujet de “L’école sur l’eau

  1. Antoine

    Encore une fois … je suis admifatif de votre merveilleuse aventure familiale si parfaitement gérée !
    Et merci encore de la partager avec nous avec une plume toujours aussi agréable à lire !