Au fil de l'eau, au gré du vent  …

Les mots du frère 1 : Palmarès

Parce qu’il est bon de partager un peu de leur quotidien et de pouvoir en rire, voici un petit écrit de Mathieu, le frère de Simon, à quelques jours de l’arrivée aux Açores. 

Mercredi 24 mai, 16h 30 TU, 14h30 sur Kusupa, 12h30 en Martinique.

La traversée n’est pas terminée, et ce n’est pas encore l’heure des bilans. Mais comme aujourd’hui c’est accalmie, donc répit, j’en profite pour regarder dans le rétro.

En ce mercredi nous avons entamé notre 15ème jour de nav, et en ajoutant le faux départ de trois jours pour repli sur St Martin, nous en sommes à un peu moins de trois semaines tous les 4 à bord de Kusupa. Le bon moment pour faire une petite présentation de l’équipage embarqué dans cette virée, du plus vieux au plus jeune mais pas forcément du plus sage au plus immature.

 Jeff Goasguen AsKnownAs « Le boulet qui ne se plaint jamais », 69 balais en juillet.
Dans la famille je voudrais le père ou le frère, c’est selon.

Jeff, c’est le mec qui a entendu transatlantique, s’est arrêté à transat et a confondu ça avec le machin où on pose ses fesses et où l’on expose ses pieds en éventail face à la mer. Bon évidemment il s’est trompé. Je me moque, mais en même temps vu l’âge du pater, respect. Il ne dit rien, ne bronche pas, mais il y a des jours où il lutte sévère. D’autant qu’avant même le départ il s’est rétamé en beauté, a fait chatouiller ses côtes flottantes sur le sol du carré… Mais il a tenu à en être, alors il en est.

Si je devais garder une image du père… Sans hésiter son bain dans l’océan :

En une belle fin d’après-midi, profitant de la pétole Simon Loïc et moi avons fait un petit plouf, Jeff restant sagement sur le pont. Le lendemain, même condition donc même effet, plouf pour nous 3 et puis le père se décide. Mais lui ne veut pas y aller à fond, il se présente sur la jupe du bateau, trempe sa nuque puis use de l’échelle pour descendre petit à petit. Soudain il se lance, il lâche l’échelle, se laisse aller en arrière les bras en croix, sourit de bonheur dans l’eau avant de prendre conscience que le bateau avance. Et là panique, changement radical de faciès, brasse frénétique mais inefficace. Persuadé qu’il ne va pas rattraper Kusupa, le père fait du surplace. Alors on le rassure, on lui dit qu’il va y arriver, qu’il doit juste se détendre, s’étirer dans l’eau. Retrouvant son calme, le nageur s’applique et peu à peu regagne l’échelle. Délivrance pour l’un, la barre de rire sur le pont pour les 3 autres.

Loïc Goasguen AsKnownAs « Système D » ou « Pouf le cascadeur » ça dépend des jours, 56 printemps.
Dans la famille je voudrais le frère ou le tonton, c’est selon.

Loïc, c’est le mec qui a entendu transatlantique, s’est dit ok et a acheté toute la panoplie du marin pour le grand large. Sur sa peau 5 couches, et il peut même monter jusqu’à 6 si il le faut. Veste de quart haute définition, bottes, polaires, bonnet, tout y est, rien ne manque. Et beh zut, des fois, il a froid. Le tonton c’est le roi de la bricole, alors dès qu’il y a une merde sur le bateau c’est l’occasion rêvée pour filer un coup de main au frangin. Des gants mapa et un sac plastique pour trouver une solution à nos problèmes d’infiltration d’eau. Du chatterton et du fil pour la ligne malade de Tonton Hub pour pêcher. Rien ne lui résiste. Mais en plus d’être ingénieux le tonton, il est aussi cascadeur à son insu. Cascade à l’intérieur du bateau, cascade à l’extérieur du bateau, avec une mention spéciale pour ses montées d’escalier et ses rencontres avec le capot à moitié ouvert. Dommage que le bonnet ne soit pas équipé d’un renforcement moelleux, il en est à 5 bosses si j’ai bien compté.

Si je devais garder une image du tonton. Sans hésiter sa pêche de la dorade coriphène :

Fin d’après midi, après quelques jours infructueux de pêche, le bateau est au portant, il y a du vent. Alors pour le plaisir j’ai pris la barre, le père lit, le tonton aussi et Simon remonte avec deux ou trois tartines pour casser son appétit. Il s’installe près de moi puis regarde la ligne qui plie mais ne rompt pas, puis scrute au loin et dit au tonton qu’il a dû attraper quelque chose. Ni une ni deux, Loïc se précipite sur la canne, Simon lâche ses tartines pour l’assister et je m’applique à ralentir l’allure du bateau. Un tour de moulinet, puis deux, puis trois, puis rien, le moulinet se bloque, se pète et quitte la canne. Le tonton maintient le moulinet dans ses mains et tourne le moulinet cassé sur lui même pour ramener la ligne. La dorade est belle et ne se laisse pas faire, vrille, saute, tente de se faire la malle. Le tonton demande alors au père d’aller chercher son appareil photo, celui-ci s’exécute, revient et se penche au dessus de l’eau pour prendre la photo. Mais là, panique du tonton, le père n’a pas la dragonne autour du poignet et il voit déjà l’appareil à la flotte. En gros la scène ça donne un tonton en mode spectateur à Rolland Garros, avec un regard sur sa droite pour le poisson, un regard sur sa gauche pour son appareil photo. De la pure frénésie. Après des cris, des hurlements, des crises de fou rire, la dorade déboule dans le bateau, vaincue. Epique.

Mathieu Goasguen AsKnownAs « Le gratteur barreur râleur », 42 piges.
Dans la famille je voudrais le fils ou le neveu ou le frère, c’est selon.

Je suis le mec qui a entendu transatlantique, a dit ok, a fait un repérage en janvier 2016 puis a signé en 2017 pour l’aller retour sur Kusupa. Dans ma besace pas grand chose, ni crème solaire, ni beurre de karité, ni bonnet, ni bottes, des caleçons, quelques fringues et basta. Jusqu’à la nuit dernière j’étais H24 pieds nus, mais le froid et l’humidité m’ont convaincu d’emprunter les bottes de papa pour les nuits . Comme je ne suis pas trop bricole, je consacre mon temps aux fourneaux en alternance avec le frangin. Cuisiner sur un bateau j’adore. Mais à ce niveau la récré est terminée, plus de frais en rayon, de la conserve juste de la conserve. Quand je ne suis pas en cuisine, et que le temps le permet, je prends la guitare de Lolotte et chante au milieu de l’océan. Et il y a eu je crois quelques bonnes impros. Il faut avouer que c’est facile de chanter fort au milieu de l’océan, encore mieux que le concept du « sous la douche ». En dehors des sessions de guitare, il y a pas mal de présence à la barre. La barre avant je n’aimais pas ça, mais aujourd’hui c’est un vrai plaisir, surtout sur ce terrain de jeu. Le bateau est un régal à barrer et puis là on est servi, en dehors de la pétole, on a eu droit à tout, du près, du travers, du portant, de la houle, de la bonne vague, du grain, du spi. Et enfin pour remplir les journées, il y a le lit. La sieste c’est bon aussi. Alors j’avoue que dans tout ça je n’ai pas ouvert un livre.

Si je devais garder une image de moi, woy ç’est bizarre d’écrire ça. Sans hésiter une fin de quart lors d’une nuit de pétole : 

Une heure du mat, nous dérivons depuis plus de quatre heures toutes voiles rentrées, sans un poil de zef. La nuit est étoilée et c’est le moment pour Loïc et moi d’aller nous coucher, les deux autres vont prendre le relais. Je descends, me dessape, m’enroule dans les draps puis attends le sommeil. Le bateau couine de faire du surplace, le roulis lui est on ne peut plus désagréable. Et là je pars tout seul dans un fou rire, lâche au frérot en braillant qu’il est vraiment pourri son mouillage pour la nuit. J’ai eu besoin de cinq bonnes minutes pour arrêter de rire.

Simon Goasguen AsKnownAs « Captain prof », 41 dents.
Dans la famille je voudrais le fils ou le neveu ou le frère, c’est selon.

Simon, c’est le mec qui dans la vie décide de faire une transatlantique, à l’aller avec femme et enfants, au retour avec père tonton et frangin. Alors comme il a décidé, il a potassé. Du stage, de la pratique, de l’échange et des notices. Une petite encyclopédie dans sa tête. Résultat en mer, pas grand chose ne lui fait peur. Un vrai capitaine. A l’écoute de son bateau et de son équipage. De tous les choix, de toutes les manœuvres. Et puis déformation professionnelle oblige, il a la patience et la pédagogie de l’instit. Avec en prime sa distribution de bons points, d’avertissements et autres recadrages en règle. Bref sharp, précis pointu.

 Si je devais garder une image du frangin. Impossible. Il est de tous les fronts. Ah si. Putain, un pétage de plomb :

Déjà les ploufs dans l’océan c’est son idée. Mais la première fois, alors que l’on avait sonné la fin de la récré et déclaré fermée la piscine mondiale, il se fout à poil, plonge et nage cul nu en longeant le bateau. Génialissime !

 Enfin indispensable les membres de l’équipage à terre, nos anges gardiens.
Charlotte Goasguen AsKnownAs « Est-ce qu’il y aura assez d’énergie  ? », 39 sourires.

C’est tout frais alors bon anniversaire Lolotte. Pour info on est à 97,8% dans les batteries avec 12,65V. Dans la famille je voudrais l’épouse ou la belle fille ou la belle soeur, c’est selon. Ne t’inquiète pas Charlotte, tout va bien, ton homme assure et tu le sais.

Hubert Romer AsKnownAs « Public !!! » ou « Tonton Hub », 71 blagues.
Dans la famille je voudrais le tonton ou le sage, c’est selon.
Sache Hub que ton « c’est dommage » quand on a rebroussé chemin suite à l’arrivée d’eau résonne chaque jour dans nos têtes. Nous étions bien partis c’est vrai, mais en même temps l’histoire aurait été toute autre.
Caty Goasguen AsknownAs « Je ne mange pas de viande »,                62 boucles.
Dans la famille je voudrais la soeur ou la tante c’est selon.
Ne t’inquiète pas Caty, tes frères se portent bien. Et nous avons hâte de te voir en juin.
Merci à vous trois pour nous épauler, nous vous embrassons très fort. Et Hub, nous aussi, nous vous aimons.
Sinon sachez que plusieurs prix seront décernés à l’issue de la traversée.
A l’heure actuelle,
 Dans la catégorie Cascade d’intérieur, quatre nommés :
        – Jeff et sa dégringolade en loupant une marche dans l’escalier alors que nous étions encore à quai à Pointe à Pitre
        – Loïc et son fisbury sur la table à carte après avoir été secoué par une vague alors qu’il tentait de se brosser les dents.
        – Mathieu et ma projection sur le tableau électrique après avoir été secoué par une vague alors que je cuisinais.
        – Enfin les trois conserves (Ravioli, Lentilles et Cassoulet) de l’équipée de tribord qui ont fini sur Simon dans le canapé à bâbord suite à un empannage intempestif.
Dans la catégorie Cascade en extérieur, un seul nommé pour deux réalisations :
        – Loïc en tentant à chaque fois d’éviter des vagues qui venaient de claquer sur le bateau.
La première fois, a baissé énergiquement la tête pour se se cogner violemment sur la capote de roof avec au final la vague qui lui a recouvert le dos.
        – La seconde fois, en glissant et en se lançant à l’horizontale les deux pieds décollés et les mains cramponnées à la capote de roof, cette fois-ci belle frayeur mais pas d’eau.
Dans la catégorie Ronflement, tous les quatre sont nommés.
Dans la catégorie Meilleure douche fraîche provoquée par une vague, tous les quatre sont nommés.
Dans la catégorie Meilleur décor de pétole sont nommés :
        – La pétole de pluie avec orage. Improbable.
        – La pétole de jour en mode Truman Show. Lunaire.
        – La pétole de nuit voilée genre « esprit es-tu là ? ». Flippante.
A suivre, bises à tous.
Ah au faite avant de partir, Soizic nous faisons au mieux, mais toutes les conditions hygiéniques ne sont pas respectées.
Les torchons qui servent à essuyer la vaisselle sont aussi utilisés pour le sol du carré quand de l’eau rentre.
Pardon pour toutes les fautes de français, ça tangue un peu.
Mathieu